Joseph Beuys

°1921 †1986
Born in Krefeld, DE
Died in Düsseldorf, DE

Joseph Beuys : l’artiste de guerre controversé

L'artiste allemand Joseph Heinrich Beuys (Krefeld, 1921 - Düsseldorf, 1986) affiche dès son plus jeune âge un talent hors du commun pour la musique. Il affectionne particulièrement le violoncelle et le piano. En 1936, le jeune violoncelliste de 15 ans Joseph Beuys rejoint l’orchestre de la Jeunesse hitlérienne. Après la guerre, il veut commencer une carrière dans l’art et étudie dès lors de 1946 à 1951 à l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf. Dans son rôle d’artiste plasticien, Beuys fait fureur avec des installations, des objets en plastique, des dessins et des performances avec une connotation politique et sociale. Il devient enseignant à l’Académie de Düsseldorf et est considéré comme l’un des artistes allemands les plus influents de sa génération, tout en étant l’un des plus controversés.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, Beuys est radiotélégraphiste dans un bombardier Stuka. Pendant une mission au-dessus de la Crimée, l’appareil est abattu. Il survit et est retrouvé par les Tatars sous les débris de son avion. Il est alors en état d’hypothermie et plongé dans un coma. Ils décident alors de l’enduire de graisse et de l’envelopper dans de la feutrine pour le maintenir au chaud. Beuys finit alors par se réveiller dans un hôpital de campagne allemand. L’incident constitue à de multiples égards un prélude à son évolution artistique qui se réalisera après les années de guerre. La marque commerciale internationale de Beuys, le chapeau en feutre, recouvre par exemple la plaque en argent qui a été implantée dans son crâne après l’accident. Ce mythe personnel exerce une influence notable sur ses œuvres ultérieures, qui se caractérisent par des matériaux inhabituels (feutre, graisse, thé,...) et par des contradictions de contenu qui font clairement référence aux contradictions entre l’Ouest et l’Est, la richesse et la pauvreté, la liberté et la captivité. Dans sa performance I Like America and America likes me [J’aime l’Amérique et l’Amérique m’aime] qui est devenue iconique, il cohabite pendant trois jours avec un coyote, emmitouflé dans du feutre et avec un bâton de berger à la main. Il semble également faire référence à son séjour chez les nomades tatars et il s’efforce de mettre en scène la peur de l’autre dans un rituel de guérison chamanique qui est devenu le symbole de son opposition à la guerre du Vietnam. Le titre évoque également le spot publicitaire pour le soda 7-Up.

L’œuvre Wirtschaftswerte [Valeurs économiques] est très représentative de l’esprit de son travail. Elle se compose d’une série d’étagères métalliques sur lesquelles sont entreposées des denrées alimentaires issues de l’ancienne RDA à côté de peintures du 19e siècle et d’un bloc de plâtre. L’installation nous confronte à l’ancienne séparation entre le communisme de l’Est et le capitalisme de l’Ouest de l’Allemagne. Les modestes paquets de couleur délavée du passé communiste contrastent fortement avec les paquets criards de l’Ouest, alors que les peintures bourgeoises permettent de renforcer la fracture entre l’Ouest « riche » et l’Est « pauvre ». L’artiste a enduit le gros bloc de plâtre (symbole de la pensée rationnelle) avec une couche de beurre doux.

À la fin des années soixante, Joseph Beuys est très actif à Anvers. Il y a notamment contribué à la création de la galerie avant-gardiste Wide White Space d’Anny De Decker et de Bernd Lohaus. Il a également tissé des liens étroits avec Panamarenko, qui l’a toujours considéré comme un ami artistique. Leur objectif commun était de supprimer les limites et de laisser l’art s’exprimer librement. Beuys disait notamment que « penser est une forme d’art plastique » et que « l’art est une science de la liberté ».

Le penseur de la liberté ne reste pas non plus inactif à l’Académie dans son rôle de professeur. Il consacre beaucoup de temps et d’énergie au développement de ses idées et à l’examen critique des travaux de ses élèves pour qu’ils puissent être en mesure de se débrouiller en tant qu’artistes indépendants. En 1972, le ministre de l’Enseignement le met à la porte sans préavis, car Beuys refuse d’assurer le suivi de l’interruption de l’accueil des nouveaux étudiants. Le professeur banni continue obstinément de donner ses cours sur la pelouse du parc à côté de l’Académie. Le licenciement mène à une bataille juridique que l’artiste finit par remporter. Beuys effectue son retour en grâce et peut à la fois garder son titre et son local de classe à l’Académie.

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