MONOCULTURE – ARTEFACTS

(c) Wim Van Eesbeek

MONOCULTURE - Culture Wars. Belgian context

Photo: Wim Van Eesbeek

La guerre scolaire

L’article 17 de la Constitution belge de 1831 traite de la liberté d’enseignement. Cet article stipule, d’une part, que chacun est libre de fonder une école fondée sur ses propres croyances et sur son propre projet pédagogique ; d’autre part, elle donne aux parents le droit d’inscrire leurs enfants dans l’école de leur choix. Cette liberté a contribué à la « pilarisation » du jeune État belge. Toute la vie des citoyens (l’enseignement, les mouvements de jeunesse, la politique, les soins de santé, etc.) a été cloisonnée selon des lignes philosophiques : libérale, catholique ou socialiste. Les gens grandissaient au sein de « piliers » monoculturels largement séparés. À plusieurs moments de l’histoire de La Belgique, une guerre a éclaté entre ces « piliers », dans laquelle le contrôle de la jeunesse par le biais de l’enseignement a constitué un important point contentieux.
La première guerre scolaire a eu lieu entre les catholiques (qui dominaient l’enseignement libre) et les libres-penseurs (qui préconisaient la consolidation du système d’enseignement public) a eu lieu au 19e siècle, et portait principalement sur l’enseignement primaire. Après la Seconde Guerre mondiale, de plus en plus de jeunes ont fréquenté l’enseignement secondaire, lequel s’est à son tour retrouvé au centre de la guerre scolaire des années 1950. Les principaux acteurs en ont été le ministre catholique de l’Instruction publique, Pierre Harmel (qui a permis, pour la première fois, à l’enseignement secondaire libre de bénéficier de subventions de l’État) et son successeur, le socialiste Léo Collard (qui a, entre autres, réduit ces subventions). Cette guerre a atteint son point culminant au milieu des années 1950, avec l’organisation de manifestations de masse. Certains produits réputés « libéraux » ont également été boycottés, comme le sucre de la raffinerie de Tirlemont, pendant que Collard était dépeint dans les journaux sous les traits du diable. Le pacte scolaire de 1958, qui a démocratisé l’enseignement, représente un compromis entre les différentes parties. Depuis lors, la Belgique connait une relative paix scolaire.


MONOCULTURE – Unipolarity

Avec The End of History and the Last Man, Francis Fukuyama annonce la victoire de la démocratie occidentale sur le communisme et sur toutes les autres idéologies. Depuis les années 1990, l’image triomphaliste de Fukuyama est souvent reprise par les politiciens des partis centristes dans les pays occidentaux. Revenant sur l’histoire des siècles passés, Fukuyama y lit un choc constant d’idéologies, animé d’une part par la logique de la science moderne et, de l’autre, par la lutte pour la reconnaissance des hommes. Selon Fukuyama, l’histoire humaine est universelle, progressive, et elle se dirige dans une seule direction. Il y voit une évolution, entamée sous l’impulsion des Lumières en Europe, tendant vers une monoculture mondiale du capitalisme libéral. Dans The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order Samuel Huntington propose une interprétation alternative de l’influente thèse de la « fin de l’histoire » préconisée par Francis Fukuyama, en soutenant que la fin du bipôle idéologique de la guerre froide entrainera inévitablement une instabilité, mais selon un axe culturel. Selon lui, l’explosion démographique dans les pays musulmans et l’essor économique de la Chine mettent à l’épreuve la domination occidentale. Au lieu du faux universalisme de la culture occidentale, il propose une stratégie qui, bien qu’abandonnant l’idée de l’universalisme, serait une réaffirmation de l’identité occidentale, pour « la renouveler et la protéger de sa remise en cause par les sociétés non occidentales ». Ce livre est un exemple de déterminisme culturel extrême, qui ignore toute interdépendance entre les cultures. Il a été critiqué par plusieurs universitaires et est souvent considéré comme une légitimation théorique de la politique étrangère agressive des États-Unis.


MONOCULTURE – Human Zoo

M HKA. Photo: Wim van Eesbeek

L’exposition ethnologique, également connue sous le nom de « zoo humain », tire sa source de deux disciplines scientifiques émergentes : l’anthropologie et l’ethnologie. Ce phénomène, apparu à la fin du 19e siècle, était l’élément le plus important de la propagande de l’impérialisme. Il a été introduit en Europe par Carl Hagenbeck, marchand allemand spécialisé dans le commerce d’animaux sauvages. Les zoos humains avaient pour but de montrer des indigènes « exotiques » provenant des régions les plus reculées de l’Arctique, de l’Afrique, de l’Asie du Sud-Est, de Ceylan (actuel Sri Lanka) et de l’Inde, présentés la plupart du temps dans un village indigène reconstruit. Les expositions de Hagenbeck au zoo de Hambourg-Stellingen ont constitué un point de référence pour les zoos humains ultérieurs, organisés dans le cadre d’expositions coloniales. Les expositions ethnologiques les plus visitées et les plus remarquables étaient celles de Paris, dans le jardin tropical du bois de Vincennes et dans le Jardin d’acclimatation, le long du bois de Boulogne. Les zoos humains faisaient également partie des sections coloniales des expositions universelles organisées en Belgique, de la fin du 19e jusqu’au milieu du 20e siècle. L’une de ces manifestations les plus importantes a été l’exposition de Tervuren de 1897, en Belgique, qui exposait des produits et des gens de l’État indépendant du Congo (propriété personnelle du roi Léopold II jusqu’en 1908). Un guide richement illustré, en style art-nouveau, donnait un aperçu de la grandeur de cette exposition, qui a eu lieu dans le palais des Colonies nouvellement construit et dans ses jardins, où les scènes de la vie quotidienne en Afrique ont attiré des milliers de visiteurs. Cette exposition n’était pas seulement un important outil de propagande du potentiel économique que recelait la présence belge au Congo ; elle soulignait également le travail « civilisateur » des missions belges. Les expositions coloniales ont le plus contribué à la création de l’image de l’« autre » en tant que sauvage inférieur et à la légitimation du colonialisme.


MONOCULTURE – Eugenics in North America

L’eugénisme en Amérique du Nord

Madison Grant était un écrivain et zoologiste états-unien, particulièrement connu pour ses activités en faveur de l’eugénisme. Le sous-titre de son livre fait référence à la théorie phare promue par Grant : la supériorité de la race nordique et le rôle qui lui est dévolu dans le développement de l’humanité. Theodore Lothrop Stoddard était un historien, citoyen des États-Unis et membre du Ku Klux Klan, auteur de plusieurs livres prônant l’eugénisme et le racisme scientifique. La stratégie de Stoddard consistait à effrayer ses lecteurs en faisant miroiter le spectre d’une guerre raciale, présentant les ennemis de la « race blanche » comme suffisamment forts pour représenter pour elle une menace existentielle, mais assez faibles pour être vaincus. Cette stratégie est toujours appliquée par les racistes blancs, cent ans après. Le livre de James Woodsworth a servi de modèle à la Loi canadienne sur l’immigration qui a été approuvée peu de temps après sa publication. Dans cet ouvrage, Woodsworth établit une hiérarchie des races et des ethnies en fonction de leur capacité à s’adapter à la société canadienne. Les personnes qui appartenaient aux « classes interdites » ont été déportées et se sont vu refuser l’accès au Canada.


MONOCULTURE – Ronald Reagan

Ronald Wilson Reagan (1911-2004)  était un acteur hollywoodien et un homme politique états-unien. Il a occupé le poste de 40e président des États-Unis, de 1981 à 1989. Politiquement, il était dévoué aux idéaux du conservatisme moderne dans sa forme néolibérale ; il était notamment un fervent partisan de l’économie capitaliste. La politique économique promue par Reagan dans les années 1980 est entrée dans l’histoire sous le nom de « Reaganomics ». Rendezvous with Destiny (« Rendez-vous avec le Destinn ») est le passage le plus important du célèbre discours A Time for Choosing (« L’Heure du choix »), prononcé par Reagan lors des élections présidentielles de 1964, pour soutenir le candidat du Parti républicain, Barry Goldwater. Ce discours l’a fait connaitre comme un important porte-parole conservateur.
A Record from Ronald Reagan To All Californians (« Une adresse de Ronald Reagan à tous les Californiens ») adopte une rhétorique similaire, tout en étant bien plus concis et moins chargé idéologiquement. Il a fait partie de la campagne de Reagan pour les élections au poste de gouverneur de Californie, en 1966. Reagan prône la réduction des règlementations gouvernementales et appelle les Californiens à voter pour lui s’ils « croient en leur sort » et en leurs propres décisions. Une autre caractéristique particulière des discours de Reagan est l’accent qu’il porte sur ses antécédents apolitiques et non professionnels. Dans Freedom’s Finest Hour (« La plus belle heure de la Liberté »), Reagan dépeint un colon de Boston racontant l’histoire de la guerre d’indépendance américaine et de la ratification de la Constitution. Tout y contribue à l’éveil d’un sentiment de fierté envers les États-Unis et leur Constitution. Young America’s Foundation (YAF, « Fondation de la jeune Amérique ») est une organisation de jeunesse conservatrice fondée en 1960. Dans son discours de 1975 à la YAF, Ronald Reagan exprime son soutien à cette organisation et à ses activités. Il est largement admis que le soutien apporté par Reagan à la YAF l’a beaucoup aidé dans sa course à la Présidence.


MONOCULTURE – Congress For Cultural Freedom

Le Congress for Cultural Freedom (CCF, « Congrès pour la liberté culturelle ») était une organisation fondée en 1950 lors d’une conférence qui a réuni plusieurs intellectuels anticommunistes à Berlin-Ouest. Le CCF a été créé en guise de réponse à la création, par l’Union soviétique, du Conseil mondial de la paix ; il avait pour objet la lutte contre les sympathies prosoviétiques d’après-guerre. Le Congrès, secrètement financé par la CIA américaine, a été créé pour combattre le communisme mondial et le neutralisme qui avait fait son apparition pendant la guerre froide (c’est-à-dire, les pays non alignés), et pour promouvoir les valeurs culturelles et libérales occidentales. Cette association, active dans trente-cinq pays, organisait des manifestations culturelles et des conférences, et publiait des livres et de nombreux magazines. Ses activités visaient également à influencer positivement la perception des États-Unis en Europe, à travers la promotion de l’art moderniste de ce pays. Cette entreprise secrète a cessé ses activités en 1967, après la découverte de la participation active de la CIA.
 


MONOCULTURE – Universal Languages

L’espéranto est la langue artificielle la plus employée dans le monde. Cette langue a été créée en 1887 par Ludwig Zamenhof (1859—1917), qui a publié une brochure en russe, intitulée Международный язык/Lingvo Internacia (« Langue internationale »), communément appelée Unua Libro. Par principe, Zamenhof en a rejeté la paternité, préférant signer le livre d’un modeste « Dr Espéranto », celui qui espère. Zamenhof, ophtalmologue d’origine juive-polonaise, espérait créer une langue qui favoriserait la coexistence pacifique entre des personnes de cultures différentes. Sa langue a acquis une grande popularité : de nombreux groupes espérantistes sont nés partout dans le monde. Malgré la répression exercée à son encontre par les régimes autoritaires du 20e siècle, la communauté espéranto a continué à croitre jusqu’à nos jours. Le Jarlibro (« annuaire ») est la plus ancienne publication continue de l’Association universelle d’espéranto. La Nova Epoko (« La Nouvelle Époque ») était une revue internationale « sociolittéraire » d’orientation généralement de gauche, fondée en 1922 par quatre espérantistes soviétiques. Ludwig Zamenhof, inventeur de l’espéranto, a été le premier à traduire toute la Bible hébraïque (le Tanakh, ou Ancien Testament) en espéranto. Le Nouveau Testament a ensuite été traduit par une équipe de membres du clergé britannique parlant l’espéranto et d’érudits de la British and Foreign Bible Society. Sa traduction a été achevée en 1912. Les traductions de l’Ancien et du Nouveau Testamant ont ensuite été adaptées et imprimées en un seul volume, en 1926 :
La Sankta Biblio (« la Sainte Bible »), souvent appelée Londona Biblio (« la Bible de Londres »).


MONOCULTURE – The Corn Campaign

image: (c) M HKA

La campagne pour le maïs
La campagne pour le maïs avait pour objet l’introduction massive du maïs dans l’agriculture soviétique au cours des années 1950 et 1960, dans une tentative de résoudre la pénurie de bétail. C’est le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev lui-même qui a eu l’idée d’introduire la culture de cette plante étrangère. Lors d’un voyage aux États-Unis en 1955, il avait rencontré un agriculteur, Roswell Garst, qui lui avait expliqué l’importance du maïs pour l’agriculture américaine, et les avantages qu’il y avait à en tirer. Peu de temps après, Khrouchtchev a fait importer du maïs des États-Unis. Le ministère de l’Agriculture a fondé un institut de recherche sur le maïs en Ukraine, a publié une nouvelle revue scientifique sur cette culture et a lancé à son sujet l’une des plus grandes campagnes de propagande de l’histoire de l’URSS. Les journaux abondaient de slogans glorifiant ce nouveau « roi des champs ». Des poèmes, des chansons, des affiches, des bibelots lui étaient consacrés, et même un film d’animation, Чудесница / Chudesnica (« La Merveille »). Le gouvernement entendait par là employer toutes les occasions de rendre cette culture populaire. Mais la propagation massive du maïs ne tenait pas compte du climat local ni des traditions agricoles préexistantes. Au début des années 1960, un quart des terres agricoles étaient occupées par le maïs, ce qui a entrainé une pénurie de blé à l’automne 1962. L’échec inévitable de la monoculture du maïs a provoqué une crise agricole, qui a à son tour mis un terme à la carrière politique de Khrouchtchev.


MONOCULTURE – Socialist Realism

Le réalisme socialiste était un phénomène artistique et une « méthode créative » née en Union soviétique. Cette méthode a été érigée au rang de doctrine lors du premier congrès des écrivains soviétiques, en 1934. Devenue seule pratique artistique autorisée, elle a été appliquée à toutes les formes d’art. Le réalisme socialiste est souvent caractérisé comme un style. Or, il ne rentre que difficilement dans cette catégorie, vu son absence évidente d’un langage artistique clairement articulé, ou plutôt, en raison de la suppression systématique de toute caractéristique stylistique formelle. Tout aussi compliqué est le rapport du réalisme soviétique aux traditions réalistes antérieures dans l’art (et à la réalité elle-même). Il devait présenter une analyse de « la réalité dans son développement révolutionnaire » et « créer une culture des masses qu’il restait encore à créer ». Il n’avait pas pour objet principal la réalité soviétique de son époque, mais le brillant avenir socialiste. Cette ambition utopique et la croyance en le potentiel transformateur de l’art, en plus de son fort caractère collectif, font du réalisme socialiste un projet esthético-politique total et totalitaire. Ou, comme l’a dit le théoricien Boris Groys, il était le « gesamtkunstwerk » (« œuvre d’art totale ») de Staline. Le réalisme socialiste, profondément enraciné dans l’idéologie communiste, n’est pas seulement le fruit de cette idéologie, mais aussi son moyen de production. Cela en fait un exemple de stratégie de propagande unique en son genre.


MONOCULTURE – Eugenics in Great Britain

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L’eugénisme au Royaume-Uni

Le terme « eugénisme » a été inventé par Sir Francis Galton, l’homme qui a jeté les bases de ce mouvement, qui allait se développer au cours des décennies suivantes. Inspiré par la théorie de l’évolution par la sélection naturelle formulée par son cousin, Charles Darwin, il a consacré ses études à l’amélioration de la race humaine. Galton était convaincu que la recherche eugénique permettrait de remplacer la sélection naturelle par des mécanismes plus efficaces. Le livre de G. K. Chesterton est un exemple rare, mais important, des ouvrages anti-eugénisme qui circulaient à l’époque au Royaume-Uni. Chesterton avait prédit que l’eugénisme serait détourné à des fins malsaines, convaincu qu’il était que cette doctrine serait utilisée comme un moyen de répression contre les pauvres. Bien qu’il ait été accusé d’irrationalité, son livre a eu une influence considérable sur le Parlement britannique. Même si le mouvement eugénique est originaire du Royaume-Uni, jamais ce pays n’a appliqué de lois eugéniques telles que celles introduites aux États-Unis et, plus tard, en Allemagne.


MONOCULTURE – Soviet Propaganda

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L’agence de presse Novosti a été créée en 1961. Elle jouait le rôle d’impressionnante machine de propagande, disposant de nombreux bureaux à travers le monde, avec une circulation annuelle totale de 20 millions d'œuvres imprimées. Cette série de livres comprenait des sujets tels que la contribution soviétique au développement économique des pays du Tiers monde, la politique soviétique à l'appui des mouvements de libération nationale, et la critique du « colonialisme moderne » et de la politique impérialiste de l'Occident. First Time in Moscow (« Première fois à Moscou ») raconte l'histoire d'un garçon africain fictif, Doudou, qui a gagné un voyage à Moscou. Avec son ton condescendant et romantique, ce livre est un exemple frappant du matériel de propagande produit en URSS dans la cadre de la politique d’« amitié internationale ». L’Université de l’Amitié des peuples a été fondée en 1960 ; elle a également pris le nom d’Université Patrice-Lumumba en hommage au dirigeant de l’indépendance congolaise, assassiné en 1961. Cette université a été louée pour ses réalisations éducatives, et considérée par ses partisans comme un modèle de solidarité et d’internationalisme, mais dénoncée par ses opposants comme une institution communiste. De plus, le concept même d’une université créée spécifiquement pour offrir un enseignement aux étudiants des pays du Tiers monde a lui aussi été remis en question par les dirigeants et dirigeantes des pays auxquels elle était destinée.


MONOCULTURE – Segregation

Photo: @ Wim van Eesbeek

Après l’abolition de l’esclavage par le président Abraham Lincoln en 1863, les États-Unis ont connu un siècle de ségrégation raciale légale. Dans les États du Sud, les lois Jim Crow (nommées d’après une caricature raciste issue d’une chanson populaire) en vigueur au niveau local et dans ces États instituaient une séparation stricte entre les populations blanche et noire : chacune de ces communautés devait avoir ses propres écoles, hôpitaux et restaurants, voire ses propres trains, toilettes publiques, parcs et cimetières. La Cour suprême a approuvé ces lois de ségrégation au titre du concept de « separate but equal » (« séparation dans l’égalité »). Étant donné que les États étaient eux-mêmes chargés de veiller à ce que les infrastructures soient également disponibles pour tous, cette idée n’a évidemment jamais été réalisée. C’est ainsi qu’une politique raciste a été menée dans le sud des États-Unis ; une politique qui, dans la pratique, était très similaire à celle d’« apartheid » instituée plus tard en Afrique du Sud. Sous la pression des personnes qui militaient pour les droits civiques, tels que Rosa Parks et Martin Luther King, et d’organisations telles que la National Association for the Advancement of Colored People (« Association nationale pour la promotion des gens de couleur »), la ségrégation raciale a été abolie par la Loi sur les droits civiques de 1964. Bien que, depuis lors, l’égalité ait été acquise dans la loi, la discrimination dans de nombreux domaines reste une réalité aux États-Unis de nos jours.


MONOCULTURE – Objectivisme

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Objectivisme
Ayn Rand, née Alisa Rozenbaum (1905—1982), est une écrivaine russo-américaine. Elle a été rendue célèbre non seulement pour ses romans, dont le succès mondial se poursuit jusqu’à nos jours, mais aussi pour son système philosophique, l’objectivisme, encore très populaire aujourd’hui. Les idées de Rand ont été en grande partie déterminées par sa propre histoire. L’entreprise de son père a été saisie par les bolchéviks en 1917, bouleversant le mode de vie de cette famille prospère. Au début de 1926, Rand a quitté la Russie communiste pour déménager aux États-Unis. Elle était motivée par l’idée que les gens ont besoin d’une morale rationnelle, d’un code moral qui abolit tous les concepts moraux collectifs, religieux, mystiques ou basés sur les émotions. Elle considérait sa propre vie comme une norme de valeur, avec la raison pour seul guide de l’action, le but moral le plus élevé étant l’atteinte de son propre bonheur. Les principes fondamentaux de sa philosophie sont la réalité comme objectif absolu, la primauté de la raison, l’éthique de l’égoïsme et la défense morale du laissez-faire capitaliste. Ce sont ces principes qu’elle a présenté lors de ses conférences, dans ses livres et dans ses bulletins d’information.
 


MONOCULTURE – Modernist architecture

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Le modernisme en architecture s’est mué en un mouvement international avec l’institution des Congrès internationaux d’architecture moderne (CIAM), en 1928. Les objectifs de cette mouvance allaient au-delà des questions pourtant sur le style, le formalisme ou les principes architecturaux : l’architecture moderne et l’urbanisme étaient abordés en tant qu’un instrument sociopolitique, pouvant apporter une solution aux problèmes sociaux. La Charte d’Athènes de Le Corbusier est considérée comme le manifeste des CIAM et contient 95 points relatifs à la planification et à la construction des villes. Dans les années 1950, on distingue deux tendances importantes en architecture moderne. La première peut être décrite comme « régionaliste ». Elle se fonde sur le climat et sur la géographie d’une région, mais en n’accordant que peu d’attention à l’analyse culturelle ou aux traditions populaires existantes. À ce titre, on peut notamment citer les diverses « expériences africaines », parmi lesquels les projets régionalo-modernistes de Maxwell Fry et de Jane Drew. Ces deux architectes ont rejoint le cabinet de Le Corbusier dans les années 1950 pour y travailler à la création de Chandigarh, la nouvelle capitale de l’État indien du Pendjab, désormais divisé selon des lignes religieuses. L’architecture moderniste de Chandigarh est généralement considérée comme une importante expérience urbanistique et une assertion symbolique : elle a marqué une rupture radicale d’avec la tradition et le passé colonial de la nouvelle Inde indépendante. Bien que l’Edict of Chandigarh (« Édit de Chandigarh »), publié par Le Corbusier, ait été initialement destiné à protéger la pureté de l’architecture moderniste des « caprices des individus », le « fonctionnalisme universel » de l’architecture résidentielle moderniste a également été remis en question par diverses formes d’aménagement urbain ad hoc, inspirées par les traditions urbaines locales.




MONOCULTURE – Apartheid

L’Afrique du Sud connaissait déjà des formes de ségrégation raciale pendant la domination coloniale britannique. Mais le mot « apartheid » (qui signifie « vie à part, séparée ») renvoie principalement à la politique gouvernementale de ségrégation et de suprématie blanche qui a sévi dans ce pays au cours de la seconde moitié du 20e siècle. Dans de nombreuses langues, « apartheid » est devenu synonyme de toutes les formes de ségrégation. Après les élections de 1948, tous les Sud-Africains ont été divisés en trois catégories : les « Blancs », les « colorés » et les « Bantous » (tous les Noirs africains). Le but de ce système était de permettre à la minorité blanche de dominer les autres groupes. Le principal instrument de mise en œuvre de l’apartheid était la « Group Areas Act » (« Loi sur les zones réservées »), qui obligeait les personnes de « races » différentes à vivre dans des zones d’habitat séparées, et chaque communauté à fréquenter ses propres écoles, universités, hôpitaux, bus et plages. Après des décennies de violence et d’oppression sanglante, le régime d’apartheid a fini par céder sous la pression internationale dans les années 1990. Le système s’est officiellement effondré en 1994 avec les premières élections ouvertes à tous, qui ont porté au pouvoir Nelson Mandela, figure de proue de l’African National Congress (ANC, « Congrès national africain »), le parti qui prônait la libération des Noirs.


MONOCULTURE – Bandung Conference, 1955

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La conférence de Bandung
Les 18 et 24 avril 1955, les dirigeants et dirigeantes de vingt-neuf pays asiatiques et africains se sont réunis à Bandung, en Indonésie. La majorité de ces pays venaient tout juste d’accéder à l’indépendance. La conférence de Bandung a été la première grande conférence des nations afro-asiatiques. Les principaux organisateurs de cette conférence étaient la Birmanie (actuel Myanmar), Ceylan (actuel Sri Lanka), l’Inde, l’Indonésie et le Pakistan. Les personnes qui ont participé à cette conférence voulaient promouvoir la solidarité afro-asiatique face à toute forme de colonialisme et de néocolonialisme, et promouvoir la coopération économique et culturelle entre leurs différentes régions. Le livre de l’écrivain afro-américain Richard Wright (1908—1960) est un rapport de première main de cette conférence. Au dos de cette photo de presse, on lit : « Bandung, Indonésie. Qui sera le premier à rêver de ce bouc, c’est l’une des questions qui est suspendue dans les airs tandis que les délégués se réunissent pour la conférence afro-asiatique à Bandung, en Indonésie. Le problème semble pourtant n’avoir rien à voir avec ce bouc qui, nonchalamment, broute un parterre de fleurs devant le bâtiment de la conférence, où les représentants communistes et pro-occidentaux discuteront le 18 avril. »


MONOCULTURE – E. Frenkel-Brunswik

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En 1950, un philosophe-sociologue et trois psychologues de l’Université de Californie à Berkeley (Theodore W. Adorno, Else Frenkel-Brunswik, Daniel J. Levinson et R. Nevitt Sanford) ont publié The Authoritarian Personality. Ces auteurs se demandaient comment les idéologies destructrices responsables des atrocités de la Seconde Guerre mondiale avaient pu attirer une telle masse de partisans. Dans son article « Personality theory and Perception » (Théorie de la personnalité et perception »), Else Frenkel-Brunswik formule le concept d’« ambiguity intolerance » (« intolérance ambigüe »). S’appuyant sur cette théorie aussi polyvalente que complexe, elle étudie le lien entre la capacité de manier un langage d’image ambigu et la tolérance à l’ambigüité dans le monde, chez autrui et en chacun de nous. Dans «Environmental Controls and the Impoverishment of Tought » (Le Contrôle sur l’environnement et l’appauvrissement de la pensée »), Frenkel-Brunswik aborde les tendances anti-intellectuelles et le rejet de la science en Allemagne nazie et en Union soviétique.


MONOCULTURE – Key Exhibitions in New York

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Expositions sur « politique des identités »
Ces deux expositions, qui avaient lieu tous les trois ans à New York, sont souvent citées ensemble, parce qu’elles étaient toutes deux d’importantes représentantes de la tendance qualifiée de « politique des identités ». The Decade Show (« L’Exposition de la décennie ») de 1990 et, plus encore, la Whitney Biennial (« Biennale de Whitney ») de 1993, toutes deux organisées pendant les « guerres culturelles », sont considérés comme les premières grandes expositions d’art aux États-Unis à avoir donné une visibilité aux artistes issus de groupes marginalisés, tout en poussant le grand public à la réflexion sur des thèmes tels que la crise du sida, la race, la classe, le genre, l’impérialisme et la pauvreté. La Decade Show a mis en contraste des œuvres d’art provenant des groupes minoritaires susmentionnés et d’autres venant d’artistes dits « normaux » (anglo-saxons / occidentaux). Il s’agissait d’une stratégie de représentation visant à glorifier les différences. Cette approche est, depuis lors, devenue une pratique d’exposition commune aux États-Unis. Ces deux expositions ont suscité énormément de critiques. Certaines personnes ont accusé les organisateurs de la Whitney Biennial d’avoir adopté une approche réductionniste : ils auraient ainsi réduit la complexité de certaines œuvres à la simple représentation d’une marginalité (comprise dans un sens essentialiste). Certains critiques ont vu dans leur manière d’exposer un acte politique radical, tandis que d’autres l’ont décrite comme exagérément didactique. Les organisateurs ont également été accusés de céder au « politiquement correct » en sacrifiant la qualité artistique au profit du multiculturalisme et de la politique des identités. Bien que controversées, ces deux expositions, et en particulier la Whitney Biennial de 1993, ont exercé une influence considérable sur la politique de représentation dans le monde de l’art.


MONOCULTURE – Das Wunder des Lebens

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Das Wunder des Lebens (« Le Miracle de la vie ») est une exposition de propagande qui s’est tenue à Berlin en 1935. L’idée centrale de cette exposition était purement eugénique : la protection du corps physique contre les maladies, et le maintien de la pureté du soi-disant « corps » du peuple allemand, en recourant à l’« hygiène raciale ». Cette vaste exposition a été organisée par Bruno Gebhard. La méticuleuse conception avant-gardiste du catalogue de l’exposition a été réalisée par le célèbre créateur Herbert Bayer (1900-1985). Bayer et Gebhard ont tous deux participé à l’organisation des plus importantes et des plus populaires manifestations de propagande nazie. Cependant, ils n’étaient pas eux-mêmes membres du parti nazi ; quelques années plus tard, ils se sont exilés aux États-Unis. Cette rare carte postale montre Der gläserne Mensch (« L’Homme de verre »), symbole de cette vision allemande de l’homme et de la santé. Le même concept a formé la pièce maitresse de la version itinérante de Das Wunder des Lebens, présentée à Anvers en 1936.
 



MONOCULTURE — Eugenics in Nazi Germany

L'eugénisme nazi

Les idées de l’eugénisme sont à la source de l’idéologie nazie qui, dans les années 1930, prônait l’« hygiène raciale ». La législation eugéniste des nazis a entrainé la stérilisation forcée et le meurtre de centaines de milliers de personnes considérées comme « défavorables », et est à l’origine de la Shoah. Dès 1906, Eugen Fischer a mené des recherches sur le terrain en Afrique allemande du Sud-Ouest (l’actuelle Namibie). C’est dans ce contexte qu’il a mené les premières expériences médicales sur des personnes dans des camps de concentration, préfigurant par là la pratique nazie qui allait s’ensuivre quelques décennies plus tard. Contrairement à d’autres eugénistes de son temps, qui prêchaient et promouvaient la supériorité culturelle et intellectuelle de la « race nordique » sur toutes les autres, l’approche suivie par Wilhelm Schallmayers n’était pas raciste. Il a été le premier à traiter le sujet en suivant une logique d’efficacité digne d’un entrepreneur. Hans Günther était le seul théoricien raciste à rejoindre le parti avant l’arrivée au pouvoir des nazis, en 1933 ; ses compagnons le surnommaient « Günther-des-races », ou encore « le pape des races ». Menschliche Erblichkeitslehre und Rassenhygiene (« Hérédité humaine et Hygiène raciale ») était considéré, dans l’Allemagne des années 1940, comme le manuel par excellence en matière d’« hygiène raciale », et comme l’exposé définitif de la manière dont les nazis considéraient les autres « races ». Selon Gerhard Kittel, le « judaïsme mondial », dont l’objectif ultime est la domination du monde, existe depuis l’Antiquité. Kittel présente une anthologie de clichés antisémites et d’interprétations racistes.
 


MONOCULTURE – Nazi propaganda exhibitions

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L’un des exemples historiques les plus frappants de monoculture idéologique dans le domaine culturel est celui de l’« entartete kunst » (« art dégénéré ») dans l’Allemagne nazie. Le fait de soutenir l’avant-garde moderniste, ou en fait tout ce qui ne correspondait pas à la définition ethnocentrique étroite de l’art et de la culture allemands, était considéré comme une aberration.

Dans son livre, qui a été une importante source d'inspiration pour Joseph Goebbels, ministre de l'Éducation publique et de la Propagande dans l'Allemagne nazie, Wolfgang Willrich donne un aperçu de l'art moderne en Allemagne, à propos duquel il rend un jugement extrêmement négatif. Il était farouchement opposé aux principaux artistes modernistes (lesquels ont, par la suite, vu leurs œuvres confisquées et détruites). Le livre d'Adolf Dresler est un exemple typique de la critique nazie de l'art moderniste, qui oppose les œuvres expressionnistes et abstraites aux « œuvres allemandes », qui correspondent à la politique nazie. L'art condamné par l'auteur fait partie des œuvres d’« art dégénéré » présentées à l'exposition du même nom. La Grosse Deutsche Kunstausstellung (« Grande Exposition d’art allemand ») a eu lieu chaque année de 1937 à 1944 à la Haus der Deutschen Kunst (« Maison de l’art allemand ») de Munich (aujourd’hui devenue simple « Maison de l’art »). Cette exposition était présentée comme l'évènement culturel le plus important de l'Allemagne nazie ; elle avait pour but de mettre en valeur les représentants les plus importants de l'art sous le national-socialisme. Der Ewige Jude (« Le Juif éternel ») était également la plus grande exposition antisémite d'avant-guerre, organisée pour démontrer l’existence d’un soi-disant « complot juif » visant à instaurer le bolchévisme en Allemagne nazie.

 

 



MONOCULTURE – 1er Festival Mondial des Arts Nègres

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Le 1er Festival mondial des arts nègres a eu lieu à Dakar, au Sénégal, du 1er au 24 avril 1966, à l’initiative de Léopold Senghor, sous les auspices de l’UNESCO. Les visiteurs du monde entier et les habitants de Dakar ont pu assister à un vaste programme de manifestations, dont des expositions d’art tribal et moderne, des conférences et des spectacles de rue. Considérée comme le pilier de l’évènement, une conférence a été organisée deux jours avant l’ouverture, qui a réuni des artistes et des chercheurs pour réfléchir au rôle des arts dans le monde post-impérial émergent, et à l’importance de la négritude. La face A de ce disque contient des paroles, de la musique et des chants d’esclaves ; la face B présente deux aspects de la musique noire : une brève improvisation instrumentale inspirée par la musique traditionnelle sénégalaise, et des chansons des nouvelles nations telles que le Congo, le Ghana et le Nigeria, interprétés par un chœur et complété par les percussions et les « tambours indigènes ».


MONOCULTURE – Sources of Inspiration for Léopold Senghor

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Leo Frobenius était un ethnologue et archéologue allemand, partisan d’une approche culturelle et historique de l’ethnologie. Il est également considéré comme l’une des figures qui ont eu une grande influence sur le mouvement de la « négritude ». Dans son introduction à une anthologie publiée à l’occasion du centième anniversaire de Frobenius, Léopold Senghor écrit que Frobenius « a révélé l’Afrique au monde », mais aussi « les Africains à eux-mêmes ». Dans son ouvrage Kulturgeschichte Afrikas (« Histoire culturelle de l’Afrique »), l’ethnologue affirme non seulement que « le nègre barbare est une invention européenne », mais il se penche aussi sur des concepts tels que l’émotion, l’intuition, l’art, le mythe, et l’« Eurafrique ». Ce dernier concept allait jouer un rôle crucial dans l’interprétation faite par Senghor de la subjectivité noire. Paideuma. Umrisse einer Kultur- und Seelenlehre (« Les grandes lignes d’une doctrine culturelle et spirituelle ») est considéré comme la contribution la plus importante apportée par Frobenius à l’ethnographie. Une « paideuma » peut être décrite comme une capacité unique, ou la manifestation d’un mode de vie,
façonnée par un environnement et par une éducation spécifiques. C’est pourquoi l’homme est compris comme un produit de la culture, et non l’inverse.


MONOCULTURE – Soviet National Politics

La culture des nationalités, élaborée en URSS sous le concept de « forme nationale, contenu socialiste », était considérée comme l’arme la plus importante dans la lutte contre l’antagonisme entre les différentes nations soviétiques elles-mêmes. Ce concept restait assez vague pour permettre au régime soviétique de mettre en œuvre des politiques telles que la latinisation des cultures islamiques traditionnelles, tout en menant campagne contre le « chauvinisme grand-russe », en soutenant les minorités ethniques et en faisant la promotion des langues locales au travail et à l’école. Dans les arts, cette politique a pris des formes encore plus particulières.